mars - 2012


AUTEUR : FRANÇOIS VIGNALOU

Brève sur le transfert du siège social au sein de l’Union européenne et l’exit tax

Le 29 novembre 2011, la Cour de Justice de l’Union Européenne (aff. C-371/10) a jugé comme étant discriminatoire, l’imposition immédiate des bénéfices en sursis d’imposition d’une société transférant son siège dans un autre Etat de l’Union.

Dans la plupart des Etats membres, un transfert de siège à l’étranger est une opération, qui encore aujourd’hui, demeure délicate à réaliser.

Régime juridique en France

La société dont le siège est transféré à l’étranger doit prononcer sa dissolution et sa liquidation dans l’Etat d’origine avant de pouvoir se reconstituer dans l’Etat d’accueil ; il faut alors céder les actifs un à un en respectant les procédures afférentes à chaque actif ; obtenir des créanciers qu’ils acceptent le changement de siège etc.

Il est acquis que c’est le lieu du siège statutaire qui détermine la loi applicable à la société (lex societatis) ; si elle transfère son siège statutaire à l’étranger, elle cesse d’être soumise à la loi française.

En cas de transfert du siège au sein de l’Union Européenne, la société ne perd pas la personnalité morale en France ; il s’agit simplement d’une modification statutaire conformément à la liberté d’établissement (CJCE « Cartesio » du 16 déc. 2008).

En cas de transfert du siège à l'extérieur de l'Union Européenne, la société ne conserve sa personnalité morale que si une convention entre la France et le pays d'accueil le prévoit ; sinon elle est considérée comme dissoute et une nouvelle société devra être constituée en respectant les formalités du pays d'accueil. A noter qu’il n’existe à ce jour aucune convention de la sorte.

Régime fiscal en France

Lorsque la société entend réellement cesser toute activité en France et transférer ses actifs à l’étranger, cela emporte les conséquences fiscales d’une cessation d’entreprise, au même titre qu’une dissolution ; l’impôt est rendu immédiatement exigible (sur les plus-values latentes, les bénéfices en sursis d’imposition et les bénéfices de l’exercice en cours qui n’ont pas encore été imposés). Sauf deux exceptions :

  • Lorsque la société transfère son siège dans un Etat avec lequel la France a conclu une convention permettant un transfert avec maintien de la personnalité juridique, mais aucune convention n’ayant été conclue, cette exception est inapplicable.

  • Lorsque la société transfère son siège dans un Etat de l’Union, cela n’emporte pas les conséquences de la cessation d’entreprise à condition qu’elle maintienne un établissement stable en France.

Concrètement, cela implique pour la société localisée dans un autre Etat membre de l’UE, d’ouvrir en France une succursale qui devra déposer annuellement un bilan dans lequel seront inscrits son actif et son passif (de manière à ce que l’administration ne considère pas que la société a fait échapper ses actifs).

Apports de l’arrêt du 29 novembre 2011

 

La CJUE avait déjà eu l’occasion de juger contraire à la liberté d’établissement, l’imposition immédiate des plus-values latentes pour une personne physique quittant la France pour exercer une activité professionnelle en Belgique (CJCE « Lasteryrie du Saillant » du 11 mars 2004).

Dans ce nouvel arrêt, la Cour voit comme une entrave à la liberté d’établissement, toute imposition assise sur les plus-values encore latentes afférentes aux actifs d’une société transférant son siège de direction effective dans un autre Etat de l’Union, même si elle maintient un établissement dans son Etat d’origine.

Par suite, en l’absence de disposition spéciale prévoyant un différé d’imposition au moment de la sortie de la société du territoire, le transfert d’actifs à l’étranger à l’occasion d’un transfert de siège serait purement et simplement exonéré en France, tant que le législateur n’adapte pas le droit français à cette nouvelle donne.

L’affirmation par la CJUE du caractère discriminatoire de l’exit tax pour les entreprises quittant le territoire, sonne comme un avertissement pour la France qui devra, comme elle l’a fait pour les particuliers, adapter son droit à celui de l’Union européenne sous peine de nouvelles sanctions.


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Fichiers: CJUE_29_novembre_2011_aff._37110__Gr._Ch.__National_Grid_Indus_BV.pdf