juillet - 2013


AUTEUR : ANNE-SOLÈNE GAY

La taxe spéciale sur les opérateurs de communications électroniques est jugée conforme au droit de l’Union européenne

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu le 27 juin 2013 une décision dans laquelle elle juge la taxe spéciale imposée en France aux opérateurs de communications électroniques est conforme au droit de l’Union européenne.

Dans le but de sécuriser le financement de l’audiovisuel public après la suppression partielle de la publicité sur les chaînes du Groupe France Télévisions, l’article 33 de la loi n°2009-258 du 5 mars 2009 relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision, codifié à l’article 302 bis KH du Code général des impôts, a instauré une taxe à hauteur de 0,9 % du chiffre d’affaires des opérateurs de communications électroniques dont les revenus pour les services aux usagers finals excèdent 5 millions d’euros.
 
L’adoption de ce dispositif a suscité de vives réactions de la part des opérateurs de télécommunications qui dénonçaient une taxe injustifiée car ne présentant aucun lien avec leur activité. Estimant que cette taxe constituait une infraction à la directive 2002/20/CE du 7 mars 2002 relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques dite directive « autorisation », la Commission européenne a lancé une procédure d’infraction à l’encontre de la France qui a abouti à une saisine de la CJUE à l’origine de la décision du 27 juin 2013.
 
L’article 12 de la directive « autorisation » énonce que « les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé (…) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale, des droits d’utilisation et [certaines] obligations spécifiques (…) ».
 
La Commission européenne considère que la taxe litigieuse entre dans le champ de la directive « autorisation » en ce que son fait générateur réside dans la détention d’une autorisation. Or, l’assiette de cette taxe administrative est « basée non pas sur les coûts administratifs du régime d’autorisation » comme l’exige la disposition précitée « mais sur des éléments liés à l’activité ou au chiffre d’affaires de l’opérateur ». En outre, cette taxe n’a pas pour objet de financer les activités de l’autorité régulant les télécommunications en France. Selon elle, ladite taxe ne serait donc pas conforme au droit de l’Union européenne.

La Cour de justice de l’Union européenne a pour sa part retenu une analyse diamétralement différente. Elle relève en effet que le fait générateur de cette taxe n’est lié ni à la procédure d’autorisation générale permettant d’accéder au marché des services de télécommunications ni à l’octroi d’un droit d’utilisation de radiofréquences ou de numéros. Elle considère que cette taxe est en rapport avec « l’activité de l’opérateur consistant à fournir des services de communications électroniques aux usagers finals en France ». La CJUE en déduit que la taxe litigieuse n’est pas une taxe administrative au sens de la directive « autorisation » et ne relève pas de son champ d’application. La haute juridiction a donc rejeté le recours de la Commission.
 
Cette décision est d’une importance majeure dans la mesure où elle valide, à l’échelle de l’Union européenne, la possibilité pour les Etats membres d’instituer des taxes non administratives sur la fourniture de services de communications électroniques.
 
Au niveau national, son impact est également remarquable. Elle permet tout d’abord à l’Etat français d’éviter le remboursement des sommes prélevées au titre de cette taxe depuis 2009 dont le montant total a été estimé dans la loi de finances pour 2013 à 1,3 milliards d’euros. Pour l’avenir, elle assure une rentrée fiscale d’environ 250 millions d’euros par an ce qui pérennise le mode actuel de financement de l’audiovisuel public. Cette décision pourrait également soutenir la perspective plus générale « d’un financement de la création par l’ensemble de ceux qui bénéficient de sa distribution » dans un contexte de convergence comme le note l’ARP, société civile des Auteurs, Réalisateurs, Producteurs.

Cette décision constitue en revanche une véritable déconvenue pour les opérateurs de communications électroniques déjà fragilisés par des circonstances économiques difficiles, une concurrence âpre et la nécessité d’engager de lourds investissements pour la montée en débit de leurs réseaux.

Le texte intégral de la décision de la CJUE est disponible ici.


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