Réforme du droit des contrats : quelles conséquences sur les contrats d’affaires ?
Tous les contrats de droit français conclus à partir du 1er octobre 2016 seront régis par les nouvelles règles résultant de la réforme du droit des contrats.
Avec pour objectif d’assurer davantage de prévisibilité et de garantir une plus grande sécurité juridique, ce texte consacre et codifie certaines solutions jurisprudentielles et introduit nombre de nouveautés.
Parmi ces évolutions, deux d’entre elles sont plus particulièrement susceptibles d’avoir un effet important dans le cadre de la négociation des contrats et de la gestion de leur exécution.
La consécration de la théorie de l’imprévision
A l’inverse de la jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle un contrat ne pouvait être révisé pour cause d’imprévision, la force obligatoire du contrat est désormais limitée aux seuls risques prévisibles (nouvel article 1195 du Code civil). Ainsi, une partie à un contrat pourra demander à son cocontractant d’en renégocier les conditions « si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avais pas accepté d’en assumer le risque ».
Il convient de relever que :
Cette disposition ne s’applique pas en cas d’acceptation des risques par la partie affectée par le changement de circonstances imprévisible ;
La partie qui sollicite une renégociation du contrat doit continuer à exécuter ses obligations durant la renégociation ;
Cette disposition n’est pas d’ordre public et peut donc contractuellement être écartée par les parties ou au contraire être organisée de façon plus précise par des clauses similaires aux clauses de hardship pratiquées dans les contrats anglo-saxons.
Le renforcement substantiel des sanctions unilatérales de l’inexécution du contrat
Les moyens pour une partie de remédier à l’inexécution de son cocontractant sont renforcés (nouvel article 1217 du Code civil).
Désormais, la partie envers laquelle un engagement contractuel n’a pas été exécuté dispose de plusieurs remèdes, sans qu’il soit nécessaire de recourir à la justice. Ces décisions unilatérales sont néanmoins susceptibles d’être déférées au contrôle du juge si le débiteur le saisit pour un contrôle a posteriori.
A cet égard, les principales nouveautés sont les suivantes :
L’exception d’inexécution : au contraire du principe antérieur selon lequel un cocontractant ne pouvait exciper de la non-exécution d’une obligation contractuelle par son cocontractant pour suspendre l’exécution de ses propres obligations, il est désormais possible pour une partie de refuser d’exécuter sa propre obligation contractuelle en cas d’inexécution grave par l’autre partie ou, de façon préventive, en suspendre l’exécution lorsqu’il est manifeste que l’autre partie ne s’exécutera pas à l’échéance si les conséquences de cette inexécution sont suffisamment graves pour elle (nouveaux articles 1219 et 1220 du Code civil) ;
L’exécution forcée en nature : le créancier de l’obligation peut, sous réserve d’une mise en demeure préalable, faire exécuter lui-même l’obligation du débiteur défaillant sauf si cette exécution est impossible ou entraîne une disproportion manifeste entre son coût pour le débiteur et son intérêt pour le créancier (nouveaux articles 1221 et 1222 du Code civil) ;
La réduction unilatérale du prix : en cas d’exécution partielle, le créancier de l’obligation peut, après mise en demeure, accepter une exécution imparfaite du contrat et solliciter une réduction du prix (nouvel article 1223 du Code civil).
La nouvelle rédaction du code civil s’applique à tous les contrats conclus ou renouvelés après le 1er octobre 2016. Les contrats conclus avant cette date restent donc soumis à la loi ancienne, à l’exception de certaines dispositions relatives aux actions interrogatoires (nouveaux articles 1123 §3 et 4, 1158 et 1183) qui s’appliqueront même aux contrats conclus avant cette date. Les contentieux initiés avant la date d’entrée en vigueur seront régis par la loi ancienne, y compris en appel et en cassation.
Il conviendra donc, pour les contrats conclus sous l’empire de l’ancienne rédaction du Code civil, de continuer à se référer à l’ancienne loi mais ces nouveaux principes doivent en revanche être intégrés dans toute négociation contractuelle en cours ou future et dans la gestion des nouveaux contrats.
En effet, la réforme laisse une marge de manœuvre non négligeable aux contractants qui nécessitera de faire preuve d’anticipation dans le cadre de la négociation des contrats et leur permettra, lors de leur exécution, de recourir aux mesures unilatérales désormais à leur disposition.
Mots-clés : Juris Initiative – Anne-Solène Gay – Behring – Ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 – Ordonnance n°2016-131 – Réforme du droit des contrats – Réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations – Loi n°2015-177 du 16 février 2015 – théorie de l’imprévision – inexécution contractuelle – clause abusive – exception d’inexécution – clause de harship
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